Pour notre rubrique « Paroles d’expert », nous avons interviewé Catherine-Sophie DUBOIS, membre de l’équipe pédagogique de notre école, spécialiste en Mentorat.
Bonjour Catherine-Sophie, merci de nous accorder cette interview.
Une toute première question, qu’est-ce que le Mentorat ?
Le mentorat est une approche très spécifique d’accompagnement au service du développement personnel et professionnel d’individus. En effet, cette approche est particulière, dans le sens où elle repose sur une éthique avec des valeurs de partage, de solidarité, de coopération et de transmission entre deux personnes sans rapport hiérarchique, le Mentor et le Mentoré.
Les relations de ce binôme se font sur la base du volontariat de chaque partie prenante, de la gratuité, de la confidentialité et d’un respect mutuel. Ce binôme fonctionne librement, de façon réciproque, sans regard extérieur, sans obligation de résultat ce qui permet aux Mentors et aux Mentorés de progresser ensemble pour traiter leurs propres enjeux de développement.
Nous voyons que cette activité se distingue donc de toute autre forme d’accompagnement par la nature de cette relation singulière entre des individus.
Cependant, le processus de mentorat suit des principes directeurs dans un cadre précis avec un mode de communication adapté. Je pense que, par cette culture d’entraide et la relation particulière de binôme qu’il convoque, le mentorat est essentiel dans notre société en mutation rapide. Ceci, d’autant que le processus d’individuation s’intensifie dans nos organisations et conduit l’individu à être de plus en plus au centre de la performance des entreprises. Le mentorat injecte dans la culture de l’entreprise un esprit de coopération et d’entraide qui contribue tant au plan individuel que collectif.
Qui d’entre-nous n’a pas, au cours de sa vie, rencontré un Mentor ?…. une personne qui nous a influencés et guidés, qui a partagé ses idées, qui nous a permis de progresser et de nous faire envisager de nouveaux chemins !!
Quelles sont les compétences et qualités du Mentor ?
Pour guider un Mentoré de manière efficace le Mentor peut compter sur ses qualités intrinsèques personnelles de générosité et de bienveillance et sur son expérience de vie, mais ce n’est pas suffisant. En effet il doit posséder des compétences qui s’acquièrent !!.. pour poser les bonnes questions, pour gérer la relation, pour appréhender d’autres visions du monde et pour élargir sa capacité d’écoute. Le défi du Mentor est d’apporter sa propre expérience sous la forme de soutien ou de conseils concrets avec pour but d’encourager le Mentoré à découvrir par lui-même ce qui lui convient.
Les principales qualités et compétences d’un mentor sont attendues dans sa façon de :
- Se comporter avec bienveillance, curiosité et ouverture d’esprit sans jugement,
- Créer un lien par une écoute attentive et un questionnement percutant,
- Participer activement, être disponible et impliqué sur les besoins du Mentoré,
- Etablir un socle d’engagement positif et de confiance sans frustration,
- Structurer les rencontres du binôme et fixer les objectifs,
- Partager ses expériences et connaissances avec sincérité sans les imposer,
- Questionner et guider son Mentoré en lui laissant le choix de ses décisions,
- Aider à dépasser les blocages de croyances et de pensées limitantes.
Pour nos lecteurs, dirigeants d’entreprise ou DRH, quelles sont les dimensions du Mentorat en entreprise?
La pratique du mentorat, dans le monde du travail, se déploie sur trois dimensions.
Une démarche formalisée de mentorat qui s’appuie sur une méthodologie structurée. Elle s’organise en projet dans une temporalité définie, avec un cahier des charges, un plan de communication, un lancement officiel, une planification et un dispositif de gouvernance (planning, tableau de bord, suivi budgétaire, évaluation des résultats). Pour se faire, une bonne compréhension des principes fondamentaux de l’accompagnement professionnel et du mentorat est requise pour les organisateurs d’un tel programme.
Un concept de binômes qui consiste à associer deux collaborateurs qui vont jouer le rôle de Mentor et de Mentoré. C’est au sein de ce lieu privilégié que s’effectuent les transferts d’expérience. Cette relation est unique en tant qu’elle est réciproque et fait progresser en même temps les deux protagonistes. Elle est fondée sur l’idée d’égalité, de respect et de responsabilité mutuels. Ceci favorise des relations solidaires en dehors de toute notion de concurrence ou d’évaluations. Ce n’est pas une relation de plus âgé a plus jeune, ou une relation de supérieur à inférieur comme on a tendance à l’imaginer et qui existait au début du 20e siècle. Nous voyons bien que les générations nouvelles ont aussi de multiples savoirs à faire connaitre aux générations plus anciennes comme les nouvelles technologies, d’où l’importance de cette notion de partage réciproque. Par ailleurs, ces échanges d’expériences sont souvent caractérisés par leurs aspects pratiques et la possibilité de mise en œuvre dans différents contextes.
Une dynamique dans la durée : Le mentorat n’est pas une science exacte ; même s’il est nécessaire de clarifier les règles, les rôles, les attentes en début de processus, ce n’est pas suffisant. Il faut, par la suite et de façon récurrente, ré-évaluer les situations que ce soit au niveau du binôme ou du programme de mentorat. Une démarche de mentorat requière de concilier une efficacité court terme tout en s’inscrivant dans la durée (environ 1 an). Cette variable temps est fondamentale et doit aussi s’associer avec une certaine flexibilité.
En effet, c’est cette souplesse qui autorisera la prise en compte des nouvelles perspectives et opportunités qui pourront surgir de ce partenariat. Le mentorat ne peut réaliser tout son potentiel que s’il y a la mise en place de quelques directives essentielles et l’élaboration d’une démarche officielle. Néanmoins, il faut laisser de l’espace pour des découvertes imprévues, car ce qui émerge de cette relation n’est pas complètement maîtrisable.
Les sujets fréquemment évoqués et travaillés dans le cadre du mentorat sont très divers. Ils dépendent des préoccupations que le mentoré souhaite explorer. Bien que les sujets identifiés ne soient pas un enjeu à évaluer, il peut être important de vérifier qu’ils soient assortis d’un objectif SMART (spécifique, mesurable, ambitieux, réaliste, inscrit dans le temps).
La variété des thèmes rencontrés peuvent couvrir les champs suivants : le choix d’ évolution de carrière, la gestion du temps et d’organisation personnelle, le savoir-être entrepreneurial ou managériale, l’aisance relationnelle, la confiance en soi, la prise de parole en public, l’assertivité, la perte de motivation ou celle de ses collaborateurs, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la capacité à oser dire, la gestion des paradoxes, le réseau, la gestion de situations complexes et de changements, etc.
Pour nos lecteurs, dirigeants d’entreprise ou DRH, quel intérêt de mettre en place une démarche de mentorat?
Je suis convaincue que les entreprises ont tout à gagner à impulser des démarches de mentorat en complément des autres méthodes d’accompagnement.
La force du mentorat est de favoriser un climat de confiance et de solidarité dans un environnement professionnel en constante évolution de plus en plus tendue, rapide et complexe.
En effet, c’est une approche d’entraide, au service des ressources humaines, qui favorise les processus de transformation à la fois individuels et collectifs non seulement par la mise en commun et la circulation de compétences mais aussi par une ouverture à la réflexion, à la résolution de problèmes et aux idées inédites.
D’après des études réalisées dans des organisations qui ont utilisé le mentorat depuis de nombreuses années, il a été constaté un apport bénéfique pour la performance dans de nombreux domaines. En effet, cette approche permet de promouvoir de manière pratique une culture commune, de créer des liens intergénérationnels ou entre des silos organisationnels, d’exploiter l’expérience des collaborateurs, de partager des pratiques entre les métiers, d’accélérer l’insertion et l’évolution professionnelle, de préparer des successions, d’assimiler plus rapidement les méthodes de travail de l’entreprise, de favoriser la diversité, et d’améliorer le sentiment d’appartenance pour réduire le turnover, etc.
Les effets sur les collaborateurs sont vécus généralement comme des avancées positives. Parmi celles-ci, les participants se sentent plus impliqués vis-à-vis de l’entreprise, donnent un sens à leur travail, accèdent à un réseau, optimisent leurs activités, améliorent leur confiance en soi pour oser prendre des initiatives, utilisent mieux leur potentiel et apprennent de nouvelles façons d’être mais aussi de faire. Les collaborateurs apprécient, tout particulièrement, la découverte d’autres façons de penser et d’agir qui sont ancrées dans du réel, du vécu, du ressenti c’est-à-dire dans des expériences terrain.
Évidemment, il est important de valider la pertinence d’une démarche de mentorat, d’en clarifier les besoins, les attentes et surtout de s’assurer de sa faisabilité en lien avec la stratégie de l’entreprise.
Lors de cette analyse, les pratiques et les outils du coaching peuvent être utilisés et faciliter la démarche.
Quel intérêt d’un accompagnement pour la mise en place d’une démarche de mentorat ?
Il est clair que la réussite du mentorat dans les organisations repose sur la mise en place d’une démarche formalisée et associée à une formation préalable des Mentors et Mentorés ainsi que sur la prise ne compte d’une dynamique d’accompagnement soutenue dans la durée.
Sur le plan pratique, il peut donc se révéler opportun de recourir à un accompagnement pour mettre en place une telle démarche et acquérir les compétences appropriées. Il s’articule sur plusieurs axes et consiste en :
- un apprentissage sur les mécanismes et caractéristiques du mentorat pour les acteurs qui contribuent à introduire le mentorat dans leurs organisations mais qui ne sont pas toujours conscients des spécificités de cette démarche . Il s’agit de comprendre ce qu’est le mentorat ou ce qu’il n’est pas, le rôle et les responsabilités des différents acteurs, les principes directeurs, les écueils à éviter et les critères de réussite
- Un accompagnement et une assistance à la conception et au déploiement d’une démarche de mentorat pour aider à définir ses objectifs, sa structure, ses étapes, sa gouvernance et ses critères d’évaluation mais aussi assister à jumeler les binômes.
- une formation adéquate des Mentors, acteur majeur dans la relation du binôme. Celle-ci doit porter sur les postures respectives, les principes qui régissent cette relation interindividuelle mais aussi les outils et techniques de l’art du questionnement, de l’écoute, du dialogue et du feedback. Par ailleurs, comme rien n’est jamais écrit d’avance dans une relation, la compréhension de soi, de l’autre et du contexte relationnel, le décryptage de situations et les décadrages restent un apprentissage fortement recommandé
- une formation des Mentorés est aussi conseillée pour clarifier leur rôle et responsabilités. Elle doit leur permettre de s’ouvrir, s’affirmer, mettre à défi son Mentor en toute confiance afin que le Mentoré devienne un protagoniste efficace de sa propre évolution.
- un accompagnement sur la préparation et le bon déroulement des rencontres des binômes afin d’éviter les écueils, d’ aider à résoudre les tensions possibles et garder la dynamique du dispositif dans la durée.
- une facilitation des communautés de Mentors et Mentorés pour faciliter leurs partages d’expériences sur ces champs d’expérimentation et recueillir le feedback et les bonnes pratiques des binômes.
Merci beaucoup Catherine, le Mentorat apporte une vraie plus-value dans la culture et les compétences de l’entreprise.
Pour les Dirigeants, les DRH, RRH, nous vous dévoilerons bientôt notre programme de mise en œuvre d’une démarche Mentorat. À très vite…